Les Tarifs de Trump Remodèlent l’Économie — Mais Qui Paie Réellement?
La politique tarifaire est devenue un outil majeur dans l’arsenal économique des présidents américains, et particulièrement sous l’administration Trump. Examinons comment ces mesures remodèlent l’économie américaine et qui en supporte véritablement le coût.
Le Pouvoir Présidentiel sur les Tarifs Douaniers
La taxation est généralement une prérogative du Congrès américain, mais les présidents ont trouvé une voie d’accès au pouvoir fiscal à travers la politique tarifaire. En invoquant des « urgences nationales » et des justifications de « sécurité nationale », les présidents peuvent imposer des tarifs sur presque tous les produits importés.
Donald Trump n’est pas le premier à utiliser cette stratégie, mais il l’a fait à une échelle bien plus importante. Il est important de noter que l’administration Biden a maintenu les tarifs imposés par Trump sur la Chine lors de son premier mandat, démontrant une certaine continuité dans cette approche. Historiquement, le Congrès intervient rarement pour bloquer les tarifs présidentiels.
L’Impact Économique des Tarifs: Un Frein à Double Tranchant
Les tarifs douaniers agissent indéniablement comme un frein sur l’économie, mais pas uniquement sur la consommation comme on pourrait le penser initialement. Leur impact est double:
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Côté consommation: Les produits importés deviennent plus chers pour les consommateurs américains.
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Côté production: De nombreux processus de production américains dépendent d’intrants provenant de l’étranger:
- Main-d’œuvre moins coûteuse disponible ailleurs
- Ressources naturelles non disponibles aux États-Unis
- Composants intermédiaires importés
Cette double pression augmente les coûts tant pour l’achat de produits importés que pour la fabrication de produits américains qui dépendent de composants étrangers.
La Stratégie de Trump: Rapatrier la Production
L’un des arguments avancés par Trump est que les tarifs inciteront les entreprises à rapatrier leur production aux États-Unis en rendant les produits étrangers plus coûteux. Il souligne également que certains pays imposent d’importants tarifs sur les produits américains sans réciprocité.
Le cas des taxes sur la valeur ajoutée (TVA) illustre cette asymétrie: lorsque les États-Unis exportent vers des pays ayant une TVA, leurs produits sont taxés, mais l’inverse n’est pas vrai puisque les États-Unis n’ont pas de TVA fédérale.
Comparaison avec l’Ère Reagan: Freins et Accélérateurs Économiques
Une comparaison intéressante peut être faite avec l’époque de Ronald Reagan. Dans les années 1980, Reagan a hérité d’une économie en stagflation avec des taux d’intérêt élevés (agissant comme un frein) et a mis en place une réduction massive des impôts en 1981 (agissant comme un accélérateur).
La question se pose: voyons-nous un mécanisme similaire aujourd’hui avec les tarifs (freins) et les réductions d’impôts sur le revenu (accélérateurs)?
Selon les experts, bien que les tarifs actuels freinent effectivement l’économie en réduisant la confiance des dirigeants, des investisseurs et des consommateurs (avec des niveaux de confiance plus bas qu’ils ne l’ont été depuis des décennies), la situation fiscale actuelle est différente de celle de l’ère Reagan:
- La fiscalité actuelle n’est pas aussi étouffante qu’elle l’était au début des années 1980
- Nous ne sommes probablement pas aussi près du sommet de la courbe de Laffer
- La capacité de la politique fiscale à stimuler davantage l’économie n’est pas aussi évidente
- Les avantages fiscaux du nouveau projet de loi ne sont pas aussi largement répartis que les réductions d’impôts de Reagan
Les Éléments Clés du « Big Beautiful Bill »
Le projet de loi fiscal actuel (ironiquement intitulé « Big Beautiful Bill ») contient des éléments orientés vers l’investissement et d’autres vers la consommation.
Mesures Orientées vers l’Investissement:
- Amortissement accéléré (bonus depreciation)
- Déduction immédiate des coûts de recherche et développement
- Réduction d’impôts pour les propriétaires de petites entreprises
Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de la loi fiscale de 2017 (Tax Cuts and Jobs Act). Cependant, les recherches sur cette loi n’ont pas montré d’augmentation significative des investissements. Les avantages ont été principalement redistribués aux actionnaires plutôt que d’augmenter les dépenses en capital des entreprises.
Mesures Orientées vers la Consommation:
- Suppression de l’impôt sur les pourboires
- Suppression de l’impôt sur les heures supplémentaires
- Déductions pour les intérêts automobiles
- Extension de la déduction forfaitaire standard
Impact des Mesures de Consommation
Les mesures comme la non-imposition des pourboires et des heures supplémentaires créent un jeu complexe entre employeurs et employés:
- Si les pourboires et les heures supplémentaires sont moins taxés, ils deviennent moins coûteux pour l’employeur
- Cela peut influencer les décisions d’embauche: est-il plus avantageux d’embaucher 20 personnes ou d’en embaucher 15 avec beaucoup d’heures supplémentaires?
- Pour les travailleurs rémunérés aux pourboires, il existe déjà un salaire minimum réduit, justifié par la compensation via les pourboires
- Si davantage de travailleurs sont intégrés dans cette catégorie, ils pourraient perdre des revenus garantis au profit de revenus à risque sous forme de pourboires
Considérations sur la Répartition des Avantages Fiscaux
Un aspect important à considérer est l’impact différencié des avantages fiscaux selon les niveaux de revenus:
- La population à revenus modestes et moyens tend à dépenser la totalité de ses revenus supplémentaires, stimulant ainsi directement la consommation
- Les 1% les plus riches ont une capacité de consommation limitée (« personne ne dépense 20 millions de dollars par an »)
- Les avantages fiscaux accordés aux plus fortunés sont plus susceptibles d’augmenter leurs investissements que leurs dépenses
Cependant, il faut noter que les personnes à revenus faibles et modérés pourraient perdre certains transferts gouvernementaux avec le nouveau projet de loi, ce qui pourrait compenser les avantages de l’extension permanente de la déduction standard.
Conclusion: Un Stimulus Moins Profond qu’en 2017
Bien que certaines mesures du projet de loi actuel puissent stimuler l’économie, l’effet global ne sera probablement pas aussi profond que celui de la loi fiscale de 2017. La combinaison des tarifs (freinant l’économie) et des réductions d’impôts (l’accélérant) crée une dynamique complexe dont l’issue reste incertaine.
Les mesures orientées vers l’investissement pourraient théoriquement compenser l’impact négatif des tarifs, mais leur efficacité dépendra de la façon dont les entreprises choisiront d’utiliser ces avantages fiscaux – pour de nouveaux investissements ou pour des distributions aux actionnaires.
Quant aux mesures de consommation comme l’exonération fiscale des pourboires et des heures supplémentaires, leur impact à long terme dépendra largement de la façon dont elles modifieront les comportements des employeurs et des employés, plutôt que d’offrir un simple stimulus temporaire à l’économie.
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