Ne faites pas confiance aux gros titres : Comment les entreprises manipulent leurs rapports financiers

Ne faites pas confiance aux gros titres : Comment les entreprises manipulent leurs rapports financiers

La saison des résultats financiers est toujours un moment crucial pour les investisseurs. Mais que se cache-t-il vraiment derrière ces annonces trimestrielles ? Comment distinguer les véritables performances des manipulations comptables ? Dans cet article, nous allons explorer les dessous des rapports financiers des entreprises et vous donner les clés pour faire des choix d’investissement éclairés.

Comprendre les risques systémiques vs les risques spécifiques

Avant de plonger dans l’analyse des résultats financiers, il est essentiel de comprendre la différence entre les risques systémiques et les risques spécifiques à une entreprise.

Le risque systémique affecte l’ensemble du marché. Prenons l’exemple de la crise des subprimes de 2008, où l’ensemble du système financier a été touché. Même avec un portefeuille parfaitement diversifié, vous n’auriez pas pu échapper à cette chute généralisée. Le marché entier est passé de 1 500 points à environ 666 points.

En revanche, le risque non-systémique (ou spécifique) ne concerne qu’une entreprise particulière. L’exemple classique est celui de British Petroleum (BP) lors de la catastrophe écologique dans le Golfe du Mexique. L’action BP est passée de 60$ à 30$ tandis que Microsoft, IBM et les autres sociétés n’ont pas été affectées.

« Lorsque quelqu’un vous propose un portefeuille diversifié, vous pourriez lui dire : ‘Je vous remercie pour la diversification. Je vois que vous essayez de gérer le risque non-systémique. Mais face à l’irresponsabilité fiscale, au manque de liquidité des obligations et aux engagements hors bilan de centaines de billions, que faites-vous pour gérer le risque systémique ?’ »

Comment identifier les risques systémiques

Les risques systémiques sont généralement liés à des facteurs qui peuvent impacter l’économie mondiale ou un secteur entier :

  • Politiques monétaires des banques centrales
  • Tensions commerciales internationales (comme les tarifs douaniers)
  • Crises de liquidité sur les marchés obligataires
  • Innovations technologiques majeures (comme l’IA actuellement)

Un bon indicateur de risque systémique est le VIX, souvent appelé « l’indice de la peur ». Récemment, le VIX a grimpé jusqu’à 60 en raison des inquiétudes liées aux tarifs douaniers, signalant un problème potentiellement systémique.

La manipulation des résultats financiers : une pratique courante

Les entreprises cotées en bourse ont développé l’art de présenter leurs résultats sous le meilleur jour possible. Voici quelques techniques couramment utilisées :

1. Abaisser les prévisions pour mieux les dépasser

C’est une tactique classique : les entreprises abaissent délibérément leurs prévisions (guidance) pour pouvoir ensuite annoncer qu’elles les ont dépassées. Comme le dit si bien notre expert : « C’est tellement plus facile de franchir la barre du saut en hauteur si vous abaissez simplement la barre. »

2. Supprimer complètement les prévisions

Face à l’incertitude (comme les tensions commerciales actuelles), certaines entreprises choisissent simplement de ne plus fournir de prévisions. Elles peuvent facilement justifier cette décision en invoquant l’incertitude liée aux tarifs douaniers ou à d’autres facteurs externes.

3. Utiliser les investissements comme excuse pour des résultats décevants

Les grandes entreprises technologiques investissent actuellement des dizaines de milliards de dollars dans l’IA. Ces investissements pèsent sur leurs résultats à court terme, mais pourraient générer d’énormes bénéfices à long terme. C’est une justification parfaite pour expliquer des résultats trimestriels décevants.

L’approche intelligente pour évaluer les entreprises

Le modèle « Cash Flow Jack in the Box »

Pour évaluer correctement une entreprise, notre expert propose un modèle simple mais puissant qu’il appelle le « Cash Flow Jack in the Box ». Ce modèle comporte trois éléments essentiels :

  1. La manivelle – représente la qualité du travail et la demande pour ce travail
  2. Les résultats – les bénéfices générés par ce travail
  3. Le prix – la valorisation boursière de l’entreprise

La plupart des investisseurs se concentrent uniquement sur le prix, ce qui est une erreur fondamentale. Comme le dit Warren Buffett : « Wall Street connaît le prix de tout, mais la valeur de rien. »

Commencer par la qualité du travail

La meilleure gestion des risques consiste à examiner d’abord la qualité du travail de l’entreprise. C’est ce que Warren Buffett appelle le « fossé » (moat) – l’avantage concurrentiel durable qui protège l’entreprise de la concurrence.

Prenons l’exemple de Burlington Northern Santa Fe, la compagnie ferroviaire détenue par Berkshire Hathaway. Elle transporte environ 40 à 50% du fret national américain. Recréer ce réseau coûterait environ 500 milliards de dollars aujourd’hui. C’est un fossé pratiquement infranchissable pour les concurrents.

L’erreur d’investir sur la base des mouvements de prix

Beaucoup d’investisseurs essaient de deviner les résultats financiers pour anticiper les mouvements de prix : « Je pense que les résultats vont augmenter, ce qui fera monter le prix, donc j’achète maintenant à bas prix. »

C’est l’approche inverse qui est recommandée : se concentrer sur la qualité du travail et l’augmentation des bénéfices, et laisser le prix s’ajuster naturellement.

Le marché boursier comme indicateur avancé

Une observation fascinante est que le marché boursier est généralement un indicateur avancé, pas un indicateur retardé. En d’autres termes, les prix des actions anticipent souvent les changements économiques majeurs environ six mois avant qu’ils ne se produisent.

Trois phases de réaction du marché

Notre expert identifie trois phases distinctes dans la réaction du marché :

  1. Phase proactive – L’argent intelligent (smart money) anticipe les changements
  2. Phase réactive – Le marché général réagit aux événements
  3. Phase surréactive – Le marché surréagit, créant des bulles ou des crises

« Le marché boursier est bien plus intelligent que la Fed. La Fed est toujours réactive, jamais proactive. Le marché boursier est proactif parce qu’il est composé d’individus intelligents qui parient sur l’avenir. »

C’est pourquoi le marché atteint généralement son sommet avant une récession et touche son point bas avant la fin de celle-ci, tandis que la Fed est constamment en retard, attendant les données pour agir.

Comment interpréter la saison des résultats actuelle

En ce qui concerne la saison des résultats actuelle, voici quelques points clés à surveiller :

Les géants technologiques et leurs investissements massifs

Les grandes entreprises technologiques comme Apple, Microsoft et Amazon investissent des dizaines de milliards de dollars dans l’IA. Ces investissements pèsent sur leurs résultats à court terme, mais pourraient générer d’énormes bénéfices à long terme.

L’impact des tarifs douaniers

Les entreprises font face à une grande incertitude concernant les tarifs douaniers. Beaucoup envisagent de déplacer leur production, même si cela coûte plus cher, simplement pour avoir plus de stabilité et de prévisibilité.

Les dividendes sous pression

Certaines entreprises historiques comme Dow Chemical (qui n’a pas manqué un dividende depuis 1912) ou Exxon (qui a augmenté son dividende chaque trimestre pendant 40 ans) sont sous pression. Certaines sont prêtes à emprunter de l’argent pour maintenir leurs dividendes, ce qui n’est pas toujours un signe de bonne santé financière.

Conseils pratiques pour les investisseurs

1. Ne jugez pas une entreprise sur un seul rapport trimestriel

Un seul rapport trimestriel ne signifie presque rien. Cherchez plutôt les tendances à long terme. Toutes les entreprises connaissent des hauts et des bas.

2. Concentrez-vous sur l’avenir du travail qu’elles font

La question clé n’est pas « Comment étaient leurs résultats ce trimestre ? » mais « Le travail qu’elles font sera-t-il toujours pertinent et demandé à l’avenir ? »

Blockbuster Video a disparu parce que son modèle d’affaires est devenu obsolète. Son fossé s’est asséché, permettant à d’autres d’envahir son château.

3. Cherchez des opportunités dans les corrections du marché

Les meilleures opportunités d’achat se présentent souvent lors des corrections du marché, lorsque d’excellentes entreprises sont temporairement sous-évaluées.

Comme le dit notre expert : « Si vous ne voulez pas une part de la production mondiale en ce moment, vous êtes fou. »

4. Pensez comme un propriétaire, pas comme un spéculateur

Une fois qu’une action s’est remboursée elle-même (par les dividendes ou les options vendues), le prix devient presque sans importance. Ce qui compte, c’est le flux de trésorerie qu’elle continue de générer.

« Que le prix soit de 20$, 70$, 100$ ou 200$, qui s’en soucie ? Je veux juste du flux de trésorerie. »

Conclusion : L’opportunité actuelle du marché

Notre expert voit la période actuelle comme particulièrement intéressante pour les investisseurs. Il y a un potentiel énorme à long terme grâce à l’IA, qui améliorera l’efficacité de pratiquement toutes les entreprises. Cependant, à court terme, il y a également un risque significatif de correction en raison de la surévaluation actuelle et des nombreux risques systémiques.

Cette combinaison crée une opportunité rare : la possibilité d’acheter d’excellentes entreprises à des prix réduits dans un avenir proche, puis de profiter de leur croissance explosive au cours de la prochaine décennie.

Comme l’a dit Warren Buffett, l’actionnariat est « la façon la plus simple de participer aux entreprises américaines ». En suivant les principes décrits dans cet article, vous serez mieux équipé pour naviguer dans la saison des résultats et prendre des décisions d’investissement éclairées basées sur la valeur réelle des entreprises, pas seulement sur les gros titres accrocheurs.