Nous gagnons 157 000 € à 22 ans, mais nous avons peur de dépenser

Nous gagnons 157 000 € à 22 ans, mais nous avons peur de dépenser

Le classique « nous ne pouvons pas nous le permettre » ou « c’est trop cher » est une phrase que beaucoup de couples se répètent. Mais que se passe-t-il quand ce mantra persiste malgré un revenu confortable ? C’est exactement ce que vivent Javi et Marco, un jeune couple de 22 ans avec un revenu combiné impressionnant de 157 000 € par an.

Un couple discipliné comme rarement vu

Dès le premier regard sur leur plan de dépenses conscientes (CSP), on constate quelque chose d’exceptionnel. Ce couple de 22 ans affiche :

  • 0 € d’actifs physiques
  • Plus de 68 000 € déjà investis
  • 47 600 € d’épargne
  • 0 € de dettes
  • Des coûts fixes représentant seulement 32% de leurs revenus à New York

Dans leur candidature pour participer à cette consultation financière, ils ont écrit : « Nous adorons parler de notre vie future, mais nous tournons en rond concernant nos objectifs à court terme. Il devient vraiment difficile pour nous de parler d’argent. Je pense que si nous ne pouvons pas résoudre ce problème maintenant, nos rêves seront anéantis et cela deviendra une source majeure de conflit pour le reste de notre relation. »

Ce qui rend leur situation particulièrement intéressante, c’est qu’ils se trouvent au tout début de leur parcours financier, avec des chiffres extrêmement impressionnants pour leur âge.

Des conversations circulaires sur les petites dépenses

Malgré leur excellente situation financière, le couple se dispute régulièrement sur des dépenses minimes. Marco raconte : « Nous avons beaucoup parlé de Spotify et des abonnements. J’ai mon propre compte Spotify et Jav est sur un forfait familial à 0 € parce que c’est celui de l’ami d’un ami. Donc, il profite gratuitement du service. »

Marco paie son propre abonnement mais suggère qu’ils pourraient passer à un forfait duo à 16 € (soit 8 € par personne), ce qui lui permettrait d’économiser quelques euros chaque mois. Mais Jav refuse car il ne paie actuellement rien. Cette conversation revient entre 7 et 10 fois sans résolution.

Un autre exemple concerne le paiement du loyer. Ils paient leur loyer chaque mois via un portail qui accepte les cartes de crédit avec des frais supplémentaires de 15 €. Marco aime obtenir des points de fidélité en payant par carte, mais Jav hésite à payer ces frais supplémentaires.

Ces conversations deviennent presque rituelles, avec beaucoup de sourires et de taquineries, mais elles ne mènent jamais à une décision définitive.

La disparité de revenus : un facteur clé

L’un des éléments centraux de leur dynamique est la différence significative de revenus entre eux. Jav gagne considérablement plus que Marco, ce qui affecte leur façon de parler d’argent.

Marco explique : « Cela nous affecte davantage sur le long terme et dans notre planification pour l’avenir. Notre bail se termine en août, et nous essayons de trouver un logement pour nous deux. Nous avons eu beaucoup de conversations sur notre loyer maximum et comment nous allons le partager. »

Ce qui est intéressant, c’est que malgré le fait que Jav gagne beaucoup plus, Marco se sent souvent plus disposé à faire plus avec ses revenus.

Lors d’une reconstitution de leur conversation typique sur le loyer, on observe le schéma suivant :

  • Ils établissent un budget maximum de 2 200 € pour le loyer
  • Marco suggère un partage équitable plutôt qu’égal vu la différence de revenus
  • Jav s’inquiète de ne pas contribuer suffisamment et est trop fier pour accepter que Marco paie davantage
  • Marco ne veut pas mettre Jav dans une situation financière difficile
  • La conversation se termine sans décision

Ce qui est frappant, c’est que Marco, qui est généralement plus décisif dans la vie quotidienne, devient moins décisif lorsqu’il s’agit d’argent. Comme l’explique Jav : « Ces conversations sur l’argent sont nouvelles pour Marco, donc il se sent moins à l’aise pour être confiant et décisif dans ce domaine. »

Une situation de logement exceptionnellement avantageuse

Actuellement, ils paient chacun 540 € de loyer en colocation à Brooklyn, ce qui est remarquablement bas pour New York. Ils ont pu obtenir ce prix avantageux en acceptant de partager une chambre en tant que couple et en cherchant en dehors de Manhattan.

Leur budget cible de 2 200 € pour un futur appartement a été soigneusement calculé en utilisant leur plan de dépenses conscientes, en tenant compte de leurs revenus combinés et des quartiers où ils souhaitent vivre.

Des règles financières déjà établies

Lorsqu’ils ont emménagé ensemble à New York, ils ont établi quelques règles de base concernant l’argent :

  • Pour les courses, ils alternent qui paie chaque semaine
  • Ils ont fixé une limite de 30 € en dessous de laquelle ils ne se remboursent pas mutuellement
  • Ils partagent équitablement toutes les dépenses liées au logement (loyer, factures)

Ces règles simples leur ont permis de gérer efficacement leurs finances quotidiennes.

Une analyse détaillée de leur situation financière

En examinant leur plan de dépenses conscientes, on constate :

  • Revenu mensuel brut combiné : 13 166 € (soit 157 000 € annuels)
  • Coûts fixes : 32% de leurs revenus (un des pourcentages les plus bas jamais vus)
  • Loyer actuel : 1 112 € au total
  • Abonnement de transport : 300 € par mois (pas de voiture)
  • Courses : 600 € par mois
  • Vêtements : 100 € par mois
  • Téléphone : 75 € (l’un d’eux est sur le forfait familial)
  • Abonnements : 135 € par mois

Ce qui est particulièrement impressionnant, c’est leur taux d’investissement et d’épargne :

  • 30% de leur revenu net va dans les investissements (environ 1 830 € par mois)
  • 15% va dans l’épargne d’urgence (environ 1 100 € par mois)

Leur fonds d’urgence actuel de 47 000 € représente environ deux ans de leurs dépenses fixes, ce qui est exceptionnellement prudent.

Les dépenses discrétionnaires : un mystère

Leur plan indique 22% de dépenses discrétionnaires (environ 1 668 € par mois), mais ils ne sont pas sûrs que ce chiffre soit exact. Ils prennent quelques voyages par an (comme San Francisco et San Diego) et sortent occasionnellement, mais ils ne suivent pas précisément ces dépenses.

Le conseiller financier suggère que ce chiffre pourrait être légèrement différent de la réalité, mais que grâce à leurs coûts fixes très bas, ils disposent d’une marge de manœuvre considérable.

L’inflation du style de vie : une préoccupation pour Jav

Jav s’inquiète de « l’inflation du style de vie » – l’idée que leurs dépenses pourraient augmenter progressivement, surtout s’ils déménagent dans leur propre appartement. Il craint que cela n’affecte leur capacité à atteindre leurs objectifs financiers à long terme.

Marco, en revanche, n’est pas inquiet car il pense qu’ils sont tous deux très conscients de leur volonté d’épargner. Le conseiller remet en question le concept même d’inflation du style de vie, suggérant que les dépenses conscientes pour des choses qui comptent ne sont pas accidentelles mais délibérées.

Des projections financières étonnantes

En faisant une projection de leurs investissements actuels sur 40 ans, avec un ajout annuel de 26 000 € (juste leurs investissements post-impôts), ils atteindraient environ 7,7 millions d’euros à la retraite, après ajustement pour l’inflation.

En ajoutant leurs contributions au 401k (environ 20 000 € par an), ce chiffre grimpe à 12,6 millions d’euros.

Les deux sont stupéfaits par ces chiffres et ont du mal à les conceptualiser. Quand on leur demande combien ils pensent avoir besoin pour leur retraite, ils estiment qu’environ 4 millions d’euros seraient suffisants pour générer un revenu annuel de 160 000 €.

Les origines des croyances financières

Pour comprendre d’où viennent leurs attitudes envers l’argent, le conseiller explore leurs expériences d’enfance.

Jav raconte comment son père lui a enseigné à économiser et à travailler dur pour son argent. Il se souvient avoir recyclé des canettes pour économiser 200 € pour acheter son premier iPod. Sa mère, en revanche, était plus dépensière et valorisait les expériences.

De façon significative, ses parents considéraient l’investissement comme un jeu de hasard et l’ont découragé d’investir, craignant qu’il ne perde son argent. Ce n’est qu’après qu’un ex-partenaire lui ait dit qu’il était mauvais avec l’argent que Jav a décidé d’apprendre davantage sur les finances – obtenant ce que le conseiller appelle un « portefeuille de revanche » plutôt qu’un « corps de revanche ».

Marco a grandi avec des parents qui ne parlaient jamais d’argent. Les phrases typiques étaient « nous ne pouvons pas nous le permettre » ou « c’est trop cher ». Ses parents ne lui ont même jamais dit combien ils avaient payé pour leur maison. Ce n’est qu’en rencontrant Jav qu’il a commencé à s’intéresser aux finances personnelles.

Le sentiment persistant d’être « en retard »

Malgré leur excellente situation financière, Jav exprime souvent le sentiment d’être « en retard » par rapport à ses objectifs financiers. Il compare sa situation à celle d’anciens camarades d’école qui travaillent comme ingénieurs logiciels seniors à Meta ou Google à 19 ans et gagnent 300 000 € par an.

Marco ressent également ce sentiment, déclarant : « Dans mon esprit, j’ai commencé à épargner assez tard. Je pense toujours que je pourrais mettre cet argent de côté pour compenser les moments où je ne savais même pas que je devais avoir une épargne. »

Le conseiller souligne l’ironie de cette situation : « Je viens de parler à un couple dans la quarantaine dont l’un disait ‘Je suis en retard, nous aurions dû faire ceci ou cela’. Et en fait, ils s’en sortaient bien. Et maintenant j’entends un jeune de 22 ans dire ‘Je suis en retard’. Cela montre que notre sentiment concernant l’argent n’est pas corrélé au montant sur notre compte en banque ou à notre date de naissance. »

Les objectifs à long terme et les inquiétudes

Jav explique qu’ils ont plusieurs objectifs importants pour l’avenir :

  • Se marier et avoir un grand mariage (coût estimé : 60 000 €)
  • Retourner en Californie (d’où ils sont tous les deux originaires) après un certain âge
  • Acheter une propriété dans la ville natale de Jav pour être plus proche de ses parents
  • Prendre leur retraite confortablement
  • Soutenir leurs parents si nécessaire lorsqu’ils prendront leur retraite

Jav s’inquiète de ne pas pouvoir accomplir tous ces objectifs tout en profitant de la vie maintenant.

Vers une meilleure communication financière

Après avoir discuté de leurs différentes approches de l’argent, le conseiller les guide à travers un exercice pour résoudre leur problème d’abonnement Spotify. Pour la première fois, ils parviennent à une décision claire et définitive : ils vont partager un compte Spotify commun.

Ce qui est remarquable dans cette conversation, c’est que Marco s’affirme davantage et que Jav révèle la véritable raison de sa réticence : « Je craignais de me laisser emporter et de finir par m’abonner à tout (Max, Netflix, etc.) et dépenser 700 € en abonnements. »

Le conseiller les encourage à appliquer cette même approche décisive à des questions plus importantes, comme la planification de leur mariage. Il suggère qu’ils devraient mettre de côté environ 625 € par mois pour atteindre leur objectif de 60 000 € pour un mariage dans huit ans.

Recommandations finales

Le conseiller leur fait plusieurs recommandations clés :

  1. Organiser leur épargne : Créer des comptes d’épargne spécifiques pour différents objectifs (mariage, voyages, etc.) plutôt que d’avoir une grande somme non allouée.

  2. Réfléchir soigneusement à leur déménagement : Bien que financièrement ils puissent se permettre un appartement plus cher, doubler leurs dépenses de logement aura des conséquences sur leur capacité d’épargne et d’investissement.

  3. Travailler en équipe : Aucun partenaire ne devrait être valorisé davantage simplement parce qu’il gagne plus d’argent. Il existe de nombreuses façons de contribuer à une relation, le revenu n’en est qu’une.

  4. Définir ce qui est « suffisant » : Au lieu de toujours viser « plus », définir ce qui constitue « assez » et célébrer lorsqu’ils l’atteignent.

Résultats et suivi

Quelques semaines après cette consultation, le couple partage leurs progrès :

« Nous avons fait de réels progrès pour trouver un juste milieu entre épargner pour notre avenir tout en profitant de notre situation actuelle à New York. Concernant l’abonnement dont nous avons parlé, cela n’a pas changé, mais j’ai fait savoir à Marco que je serais heureux d’être inclus dans tout futur abonnement commun.

Nous avons eu de la chance car une amie souhaite déménager à New York, donc nous allons emménager avec elle. Nous continuons à vivre notre vie et à dépenser et investir intelligemment, surtout dans cette économie.

J’apprends à prendre plus de décisions concernant nos finances communes et à être plus décisif car c’est un effort collectif, un travail d’équipe. Nous avançons dans la bonne direction. Merci. »

Conclusion

L’histoire de Jav et Marco illustre parfaitement comment même des personnes financièrement disciplinées peuvent être limitées par leurs croyances et leurs habitudes. Les mêmes comportements qui les rendent bons avec l’argent (épargne agressive, investissement, prudence) peuvent aussi les empêcher de profiter pleinement de leur vie.

Comme le souligne le conseiller, l’argent implique des chiffres, et oui, nous devrions avoir un taux d’épargne et d’investissement sain, mais l’argent n’est pas là simplement pour être accumulé ou thésaurisé. L’argent est là pour nous permettre de vivre une vie riche.

Pour Jav et Marco, comme pour beaucoup d’entre nous, le défi consiste à trouver un équilibre entre la préparation de l’avenir et la jouissance du présent, tout en développant une communication financière saine qui respecte les valeurs et les contributions de chacun.

Featured image by Daniele Franchi on Unsplash